Cyril Matamela Ramaphosa, le chef de l’Etat sud-africain était à Lomé. Rien que l’image exige une remontée de la courbe du temps. Ce jour-là, 21 mars 2018, personne n’y croyait même si l’idée était innovante et l’enjeu prospectif : libérer les contraintes et lever les barrières pour un marché commun de 49 pays d’1,2 milliard d’habitants et doté d’un PIB de quelques 3 000 milliards de dollars. C’était à Kigali au Rwanda. Un an après, la Zone de libre-échange continentale [Zlec] malgré certaines réticences réalistes mais moins justifiées par endroit, le rêve « d’unification totale de l’économie africaine à l’échelle continentale » comme le « seul moyen qu’aient les États africains d’atteindre un niveau qui ressemble à celui des pays industrialisés », (in L’Afrique doit s’unir, 1963) a pris corps. Une entrée en vigueur consacrée par le sommet de l’Union Africaine tel que le stipule l’article 23 de l’Accord après « le dépôt du 22e instrument de ratification ».

La Zone de libre-échange continentale [Zlec] a été alors rendue effective, opérationnalisée le 07 juillet dernier à Niamey avec 27 pays. Ce jour-là d’ailleurs, j’avais été prise par une vive émotion, dans l’imposante salle du palais des congrès de Niamey, lorsque le Président Nigérien Issoufou Mahamadou dans son allocution de bienvenue, cita « la célèbre sagesse du roi Ghezo du Danxomè » (situé dans l’actuel Bénin), à travers ces mots: « La jarre trouée contient l’eau qui donnera au pays le bonheur. Si tous les enfants venaient, par leurs doigts assemblés, à en boucher les trous, le liquide ne coulerait pas et le pays serait sauvé ». Les forces vives politiques, économiques et sociales du continent gagneraient à s’unir pour faire de cet accord un succès. Mais par sa visite d’amitié et de travail au Togo ces 05 et 06 décembre 2019, le Chef de l’État sud-africain et son homologue togolais viennent d’en donner un relai agissant. Un bel exemple de coopération Sud Sud qui renforce l’exigence de construire un marché commun propice aux défis de développement.

Le géant économique africain est en prospection active dans un « petit » mais ambitieux pays ouest-africain, classé dans le dernier rapport Doing Business de la banque mondiale comme étant le premier réformateur en Afrique. Cette première visite d’un président sud-africain au Togo rééquilibre et repose le débat sur l’enjeu et la nécessité d’offrir à tous les citoyens africains, l’accès à un marché d’une proportion bien plus large que celle ayant découlé de ce qui fut appelé la fragmentation des États lors de la colonisation ou la balkanisation de l’Afrique. Et autant les discussions que les projections formulées entre les deux États à Lomé sont d’une opportunité et d’une pertinence prometteuse à la coopération économique prônée par le Président de l’Afrique du Sud et au commerce intra africain défendu par Son Excellence Faure Essozimna Gnassingbé. Le point 12 du communiqué final conjoint sanctionnant la signature de l’accord de coopération, informe que « les deux Chefs d’Etat ont réaffirmé leur volonté de travailler de concert au développement durable du continent dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’UA et de l’Accord de zone de libre-échange continentale africaine ».

Des échanges intra africains, on retient que de 15 %, ils doivent passer à 25 % du commerce total du continent dans les dix ans, afin de les protéger de chocs externes dus à la volatilité des prix des matières premières, aux à-coups de la conjoncture mondiale ou aux variations brutales des taux de change. Entre l’Afrique du Sud et le Togo, de bonnes avancées. A titre d’exemple, il existe depuis le début de cette année entre Johannesburg et Lomé, une nouvelle liaison aérienne desservie par ASKY Airline dont le siège est basé à Lomé. De même que la prise directe de participation de l’Afrique du Sud dans le capital de Ecobank ayant également son siège à Lomé, à travers Nedbank et PIC. Toutefois, il faudrait intensifier ces actes de coopération économique intra continentale. Pour y arriver, les leviers indispensables sont d’un côté, l’industrialisation de certaines chaînes de valeurs en Afrique, la levée complète des barrières, pas des frontières mais des droits de douane, la facilité et la célérité dans la mise en place de moyens structurels, des ressources infrastructurelles tant du point de vue de l’énergie, du transport, du numérique aussi bien commode et au meilleur coût.

Au cours de son séjour, le président Cyril Ramaphosa s’est dit impressionné par le port de Lomé. Véritable poumon de l’économie Togolaise, le port de Lomé séduit par ses terminaux modernes et s’impose comme une plateforme de référence dans la sous-région ouest-africaine.

Et d’ailleurs, grâce au groupe Terminal Investment Limited (TIL), filiale du géant italo-suisse MSC (Mediterranean Shipping Company), la capacité de ce port passera à 4 millions de conteneurs par an.  En 2019, Le Port s’est vu à nouveau, décerner la prestigieuse distinction du meilleur port de transbordement pour la troisième année consécutive, par la Fondation African Ports Awards, une association internationale qui œuvre pour l’excellence des ports africains. Hégémonie qui fascine le Numéro 1 Sud Africain.  «Nous sommes très impressionnés de voir comment le port a été développé, C’est un port moderne, stratégique. Et comme vous le savez, des bateaux quittent le port de Lomé pour Le Cap et Durban. Et ce lien de coopération existe déjà entre le Togo et l’Afrique du Sud. » a t-il affirmé avec fierté.

A Lomé avec les deux Chefs d’État préoccupés par l’urgence, toutes ces questions ont été débattues. Désormais le phosphate du Togo peut alimenter l’industrie d’engrais au Nigeria par le vecteur de Dangote Group Ltd pour servir l’agriculture en Afrique de l’Ouest et au-delà. Il en faut de même pour que le coton du Togo puisse servir l’industrie du textile à l’île Maurice. Ce défi, le Togo et l’Afrique ont décidé de le révéler en tenant compte des cinq instruments opérationnels retenus pour la première phase de la mise en oeuvre de la ZLEC :  les « règles d’origine », « les listes de concessions tarifaires dans le commerce des biens », le « mécanisme en ligne de surveillance et d’élimination des barrières non-tarifaires continentales », « la plateforme panafricaine de paiements et de règlements numériques (Papss) » et « l’Observatoire africain du commerce ».

Il est indéniable que l’intégration économique et commerciale est un puissant vecteur d’intégration des peuples et de lutte contre l’ethnocentrisme en Afrique.

#AfricanUnion
#AgissonsEnsemble

Reckya Madougou