Les 28 et 29 novembre à Abidjan, les Chefs d’État et de gouvernement africains et européens se réuniront pour leur 5e sommet. Outre l’avenir des relations Union Africaine-Union Européenne, nos dirigeants se pencheront sur l’investissement dans la jeunesse. Une priorité qui ne peut plus leur échapper. En effet, toutes les dernières statistiques de l’ONU indiquent que l’Afrique est le continent où la part des moins de 18 ans est la plus importante. Cette population devrait doubler d’ici à 2050. Ce sommet sera encore l’occasion pour l’Union Africaine qui a célébré en 2017 «L’Année de Valorisation du dividende démographique de l’Afrique : investir dans la jeunesse », de s’intéresser aux nombreux défis et opportunités des jeunes Africains.

Pour l’heure, en lieu et place de dividende, on assiste plutôt au scénario adverse qu’est l’explosion démographique avec en présence une croissance économique insuffisante pour y répondre et un corolaire de taux de chômage et de sous-emploi élevés. Ces jeunes désœuvrés partent à la recherche d’une hypothétique vie meilleure en Europe au péril de leur vie et représentent une mine pour les rebelles, les groupes extrémistes, et les esclavagistes des temps modernes aux travers de trafics de tous genres. Nous avons récemment eu la preuve si besoin en était encore que des citoyens africains sont proposés sans scrupule à la vente en Lybie.
Cette bombe peut être désamorcée si les gouvernements investissent judicieusement en leur capital humain composé à 70% de jeunes.

C’est pourquoi je fais bon accueil au thème du Sommet UA-UE,  » Investir dans la jeunesse pour un avenir durable ». Le potentiel de la jeunesse représente à la fois notre plus grand espoir et notre plus redoutable défi. D’importantes résolutions courageuses sont attendues de nos décideurs à Abidjan. Autant nos exigences doivent concerner la pertinence des décisions, autant elles doivent être fortes quand à la mise en œuvre. La mise en place de dispositif d’opérationalisation et de cadre de suivi-évaluation impliquant les jeunes eux-mêmes reste une condition clé de succès de toute initiative orientée vers la jeunesse.

A Abidjan, nous devons dénoncer la volonté de l’Union Européenne (UE) qui met toute son énergie à vouloir fermer la route maritime entre la Lybie et l’Italie dans le cadre de l’Agenda Européen des migrations. Les décisions prises pour renforcer la coopération avec la Libye afin de tarir la route migratoire de la Méditerranée centrale accroissent la violation des droits de l’homme et la peine des migrants. Comment l’UE peut prendre la responsabilité de maintenir des personnes dans l’actuelle Lybie ? Un pays présentement instable aux mains de deux gouvernements. Une telle politique de l’UE constitue une dangereuse fuite en avant, une tentative évidente de contourner ses obligations en négligeant les conditions alarmantes auxquelles des milliers d’hommes sont exposés en Libye.

Plusieurs rapports l’attestent, les candidats à l’immigration clandestine sont victimes de viols, tortures, incarcérations abusives dans les sous-sols de maisons de particuliers libyens, exécutions, et autres sévices. Les cadavres refoulės sur les côtes libyennes seraient dépecés et leurs organes prélevés pour des trafics de tous genres. Pire, la déclaration de Malte prétend que l’UE « cherchera à garantir des conditions d’accueil adéquates pour les migrants en Libye, en collaboration avec le HCR (l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés) et l’OIM (l’Organisation Internationale pour les Migrations)». Pourtant, dans une déclaration conjointe, le HCR et l’OIM ont indiqué : «les contraintes de sécurité continuent d’entraver notre capacité à fournir une assistance pour sauver des vies, fournir des services de base aux plus vulnérables et trouver des solutions au travers de la réinstallation, le retour volontaire assisté ou autonome ». Il y a donc l’expression notoire de l’impossibilité de succès de la solution envisagée.
Que faire?
Ci-après quelques pistes d’actions autour desquelles nos plaidoyers, sensibilisations, lobbyings, pressions et initiatives pourraient s’articuler.

1 ° L’UE doit réorienter sa politique

Si tant est que l’UE souhaite véritablement endiguer la ruée vers l’Europe, les ressources qu’elle injecte et prévoie affecter à la formation des gardes côtes libyens, seraient plus utiles à l’investissement dans des opportunités socioéconomiques en faveur des jeunes candidats à l’immigration dans leurs pays d’origine. Au-delà, il faut un nouveau partenariat avec l’Afrique pour des investissements dans l’éducation, l’emploi et l’émancipation afin de soutenir un programme de réformes économiques et politiques sur le continent. En février 2017, 200 millions d’euros ont été débloqués pour « aider » la Libye à mieux surveiller ses côtes, un pays dont l’appareil d’Etat lui-même peine à se reconstituer, affaibli notamment par les fortes dissensions internes.
Mais, en attendant ces investissements, il y a en ce moment même des milliers de migrants bloqués en Lybie qui subissent l’inqualifiable.

L’UE devrait :
– Faciliter la mobilité en ouvrant des voies maîtrisées et régulières pour les migrants, principalement le retour sécurisé, la réinstallation, l’admission et les visas humanitaires, le regroupement familial, la mobilité des travailleurs sans considération de leur niveau de compétence, et les visas étudiants.
– Garantir que les politiques de gestion des frontières aient comme objectif de protéger les populations et leurs droits, et non pas de stopper les mouvements migratoires.
– Ouvrir une véritable enquête internationale en collaboration avec l’Union Africaine (UA) pour établir les preuves de violation des droits humains en Libye et évaluer minutieusement la situation des migrants.

2°Former une coalition pour des plaidoyers et sensibilisations

L’opposition internationale à la traite des migrants doit déboucher sur une coalition. Ainsi, secteur privé, politiques, société civile, intellectuels, médias et l’opinion publique doivent s’unir pour combattre les causes de la traite des migrants qui ne date pas d’aujourd’hui. Pour les sensibilisations en Afrique, les acteurs de la coalition devraient enregistrer les témoignages de migrants actuels et anciens qui ont souffert et les diffuser sur les médias sociaux et ceux classiques. J’ai été particulièrement sensible à la vidéo de cet ancien migrant, jeune camerounais, vendu en esclave et qui a pu s’échapper. Son courageux témoignage est si touchant et dissuasif que de telles initiatives méritent d’être démultipliées

3 ° Voter des lois

Une législation spécifique pour les droits des migrants est nécessaire. Ces lois doivent, prévenir et combattre l’esclavage des migrants et protéger leurs droits ainsi que l’intégrité des cadavres de ceux qui hélas n’ont pas la vie sauve.
Il faut notamment criminaliser l’exploitation des migrants et la mutilation de leurs dépouilles, introduire des circonstances aggravantes.

4 ° Les Etats Africains doivent investir dans la jeunesse

Investir dans la jeunesse pour un développement durable, c’est justement le thème du prochain sommet parlementaire UE-UA qui aura lieu en Côte d’Ivoire.
Nos Etats doivent poursuivre les investissements dans la jeunesse. Il s’agira surtout de chercher à développer le capital humain par des investissements spécifiques dans l’éducation, le développement des compétences, la santé et le bien-être, la protection sociale. Les gouvernements doivent aussi améliorer les politiques publiques qui préconisent des conditions favorables à la création d’emplois et faciliter l’accès aux ressources et opportunités pour les jeunes. Ces investissements, devraient une augmentation du PIB actuel du continent, et en termes de rendement social, de stabilité et de libération du potentiel de la jeunesse, le retour sur investissement sera inestimable.

Au sommet, Les politiques en matière de développement social, politique et économique doivent reconnaître l’importance des jeunes, particulièrement en termes de promotion du progrès social et de maximisation des performances économiques. Bien entendu cela exige le plein engagement des jeunes eux-mêmes, leur sens patriotique. Bien heureuse je suis que tous les jeunes désœuvrés en Afrique n’aient pas tous un esprit suicidaire. Je crois en cette jeunesse qui ne renonce jamais.

Bien entendu tout ceci exige le plein engagement des jeunes eux-mêmes, leur sens patriotique. Bien heureux que tous les jeunes désœuvrés en Afrique n’aient pas tous l’esprit suicidaire. Je crois en cette jeunesse qui ne renonce jamais. La majorité d’entre eux aspire à être acteurs du changement, et agit en tant que tels. Cet engagement civique, social et politique doit se poursuivre, se renforcer et se structurer.

Les jeunes doivent continuer à se mobiliser, à investir l’espace public, social et politique, pour faire entendre leurs voix. Comment ? En se structurant en plateforme, en réseaux de discussion et de concertation, impliquant des jeunes de tout bord, en votant, en assurant un plaidoyer structuré pour l’intégration de la dimension jeunesse dans toutes les politiques publiques nationales, sectorielles et locales, en construisant des alliances, en proposant des actions concrètes, et en interpellant les décideurs politiques, économiques et les leaders de la société civile.

Savez-vous que l’Europe reste pourtant épargnée par la migration? Puisque selon les chiffres de l’Organisation Internationale des Migrations, dont les opérations de sauvetage sont à féliciter, 82% des personnes déplacées dans le monde sont hébergées dans les pays proches des zones de conflit en Jordanie, Ethiopie, République Islamique d’Iran, au Liban, au Pakistan et en Turquie. Que craint-elle alors autant? La réponse à cette question nous édifiera mieux sur l’avenir